Le chrétien peut-il se défendre pour protéger sa vie ?

Il y a de partout, à Madagascar comme dans le monde, un climat de tension et d’insécurité grandissante, aggravé par la présence et l’action sournoise du Covid-19. Dans cet état de choses, la persécution contre les chrétiens, avec ses violences et ses injustices flagrantes (exécutions publiques, viols, mariages forcés…), devient monnaie courante.


Dieu n’est toutefois pas insensible ou indifférent à tout cela. Il voit et entend ; bien plus, il sonde les cœurs des hommes pour voir si quelqu’un le cherche et craint son Nom. Il sonde également nos cœurs quand nous voyons et entendons tout ça. Sommes-nous émus de compassion ? Intercédons-nous pour les coupables ? Ou nous contentons nous de critiquer les responsables en place ?


Une question se pose dans cette situation, et elle est déjà débattue sur les réseaux sociaux sous diverses approches. A savoir, le chrétien peut-il se défendre pour protéger sa vie ? J’aimerai tout simplement nous inviter à plonger nos regards dans la parole de Dieu, qui peut nous rendre sage à salut, afin que nous puissions trouver des assises sûrs pour notre foi. La question peut sembler être vaste, mais les quelques pistes de réflexion que nous aurons nous permettrons de ne pas tomber dans un excès ou un autre.

Il est écrit

Pour demeurer dans la vérité biblique, nous disons comme le Seigneur : « il est écrit ». Mais les sectes aussi, comme le diable, disent « il est écrit » pour mieux tromper leur auditoire. Aussi, il est important pour nous de savoir, non seulement ce qui est écrit, mais aussi de bien comprendre le sens de ce qui est écrit. Heureusement pour nous, la bible répond à la bible, et les Ecritures se complètent.


La question de savoir si les chrétiens peuvent se défendre vient évidemment de l’interprétation de certains versets qui laissent supposer que les chrétiens ne doivent pas rendre les coups mais juste les subir. Est-ce vraiment le cas ? Des versets comme :

  • Mat 5 : 38-41 « ne pas résister au méchant », « tendre l’autre joue », « laisser aussi son manteau », « faire plus que ce qui est demandé ». Jésus met la barre très haute…
  • Mat 10 : 16 « Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ». Normalement, les brebis ne se défendent pas. Et d’autres…

Dans 2 Tim 3 : 16-17, il est écrit que « Toute l’Écriture est inspirée de Dieu, et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit formé et équipé pour toute œuvre bonne ». Nous pouvons donc nous y référer en ce qui concerne une ligne de conduite à la gloire de Dieu. Par contre, tout n’est pas écrit dans la bible, et nous avons besoin de sagesse en ce qui concerne les détails de cette ligne de conduite. Nous devons donc apprendre à savoir lire entre les lignes, et Dieu nous appelle à cette découverte, au-travers de la méditation et de la prière, à connaître la vérité, la justice et sa volonté pour nous dans chaque situation. La lecture de la bible même nous fait grandir dans cet esprit de discernement par la réflexion et le renouvellement intérieur qu’elle nous procure. C’est dans ce sens qu’elle est divinement inspirée pour nous faire grandir dans les voies de Dieu.

Alors, faut-il vraiment « tendre l’autre joue » par exemple ? Au sens propre du terme ? Ou faut-il comprendre autrement cette parole du Seigneur ? Y-a-t-il dans le N.T un verset clair sur ce sujet ? Disons que même s’il y aurait un verset qui le dirait par ailleurs, ce n’est pas pour autant que ce serait un prétexte pour le faire absolument, car il faut toujours considérer, dans chaque cas, le contexte dans lequel cela a été dit (son époque ou sa situation particulière). Exemple de l’apôtre Paul qui a parlé du port du voile de la femme. Pour le fait de tendre l’autre joue, non seulement, il faut considérer le contexte dans lequel cela a été dit, mais aussi ce que le Seigneur a voulu enseigner. Était-ce juste pour « tendre la joue » techniquement ? Ou une leçon pour partager des principes de relations dans la paix ? Un état d’esprit à avoir qui dépasse celui de l’Ancienne Alliance ? Une manière de vivre et d’agir qui caractérise l’esprit de la grâce ? Ce serait plutôt le cas ici, même si effectivement, cela pourrait aussi nous arriver de l’appliquer au sens propre dans certains cas. Il est difficile de bien traduire le mot malgache « mandefitra » en un seul mot, car c’est plus que « tolérer ». Ce serait « se laisser faire en acceptant une injustice ».

Dans la Nouvelle Alliance, nous sommes appelés à appliquer les principes qui se dégagent des Écritures, à savoir « l’esprit qui vivifie », et non « la lettre qui tue » (2 Cor 3 : 6). Nous sommes justement appelés à être les serviteurs d’une Nouvelle Alliance, celle de l’Esprit.

En parlant de « tendre l’autre joue », c’est-à-dire de son principe, savez-vous que même les pratiquants de sports de combat, en tout cas ceux qui respectent un certain code d’honneur, sont aussi dans le respect de ce principe ? En effet, le fait, pour eux, de parvenir à une certaine maîtrise de leur corps et de leurs réactions, vont leur permettre de ne pas répondre aux provocations et aux bagarres inutiles ; et de supporter la pression en quelque sorte sans répondre aux coups, sauf en cas de légitime défense (nous y reviendrons). C’est ce qu’ils promettent en tout cas avant de poursuivre leur formation : de ne pas utiliser leurs techniques qu’en cas vraiment de danger de mort, pour protéger leur vie.

Pareil pour les policiers, les gendarmes ou les agents de sécurité aujourd’hui. Ils respectent un certain code de conduite. Nous faisons cela en fait la plupart du temps. Qui de nous va répondre aux coups d’un petit enfant, qui serait fâché contre nous ? Nous qui sommes beaucoup plus grands et plus forts que lui ? Ne tendrions nous pas l’autre joue en essayant de le raisonner ?

Pour les jeunes qui connaissent les comics américains ; un jour, ils ont sorti une aventure mettant en scène Superman contre Spider-Man. Pour ceux qui ne connaissent pas, les deux sont forts ; mais Superman beaucoup beaucoup plus fort. Croyez-vous qu’il a eu besoin de répondre aux coups de Spider-Man ? Non seulement, il a tendu l’autre joue, mais même tout son corps, avant de raisonner son adversaire. Et bien, le Seigneur Jésus considère que ses disciples, remplis du Saint-Esprit, sont plus forts, et dans Sa Grâce, peuvent « tendre l’autre joue », « laisser aussi leur manteau », « faire plus que ce qui est demandé ».

Plus forts d’un côté, mais aussi plus sage de l’autre, car quand le Seigneur leur dit de « ne pas résister au méchant », c’est le conseil biblique quand nous sommes face à quelqu’un de plus fort que nous par contre. Il y a donc une attitude différente quand nous sommes les plus forts, ou quand c’est nous qui sommes les plus faibles. Le « méchant » plus fort ici en l’occurrence, c’est l’empire romain (non juste un soldat, mais tout un empire). Tous ceux qui ont voulu jouer au messie avant l’heure contre cet empire ont payé de leur vie leur zèle.

Revenons à la légitime défense. C’est une autre question par contre quand notre vie est menacée, et que nous pouvons la protéger, pratiquant de self-défense ou chrétien. Nous allons voir au-travers de la bible (A.T ou N.T), ainsi qu’au-travers de l’histoire de l’Église, que quand c’était possible, la vie devait toujours être protégée. C’est ce qui est d’ailleurs naturelle. Lequel d’entre nous ne volerait pas au secours d’un enfant qui traverse la rue sans regarder, alors qu’une voiture lui fonce dessus ?

J’ai toujours regretté l’absence d’une personne aux réflexes rapides, lorsque toute une famille qui attendait sous un abribus a été fauchée par un chauffard ivre. Cette nouvelle qui a fait la une des journaux un jour m’a bouleversé. Oui, c’est dans de tel contexte que nous devons tous apprendre, par le bon usage de nos talents et de nos dons, à protéger la vie. Et cela, de plusieurs manières. En voici quelques exemples :

  • Joseph qui a fui les avances de la femme de Potiphar dans l’A.T (il ne fallait surtout pas tendre l’autre joue là)…
  • Moïse qui a fui la justice du Pharaon, avant de revenir sur ordre de Dieu…
  • Jacob qui s’est éloignait de la colère de son frère Esaü, avant de se réconcilier avec lui…
  • David qui s’est caché de la jalousie du roi Saül, sans toucher à la vie de ce dernier alors qu’il le pouvait…
  • Elie qui s’est enfui de devant la haine de Jézabel, alors qu’il avait vaincu tous les prophètes de cette dernière…
  • Esther qui a sauvé la vie de son peuple au péril de sa vie…
  • Joseph et Marie qui, avertis par un ange, s’enfuirent en Egypte pour protéger la vie de l’enfant Jésus (Mat 2 : 13)…
  • Jésus lui-même dira aux disciples de fuir dans d’autres villes s’ils étaient persécutés en un endroit (Mat 10 : 23a)…
  • Paul, évacué par les disciples dans une corbeille, pour sauver sa vie (Ac 9 : 25)…
  • Jésus qui s’est toujours esquivé, quand sa vie était menacée avant son heure. Il n’avait pas peur de mourir mais que cela soit à la gloire de Dieu et selon sa volonté (Jn 10 : 39)…

Les martyrs

Les exemples n’en manquent pas également dans l’histoire de l’Eglise :

  • Les Vaudois qui fuient la persécution, surtout en Hollande jusqu’en Scandinavie entre le 9e et le 12e siècle…
  • Les Albigeois en France, appelés aussi Cathares dans le Sud, entre le 13es et le 15es. Ces derniers étaient passés maîtres en matière de camouflages et codes secrets pour échapper à leurs persécuteurs (plus loin et plus complexe que le simple ICTHUS des premiers chrétiens…).
  • Il y avait John Wyclif en Angleterre au XVe sièce
  • Martin Luther en Allemagne au XVIe sièce
  • Jean Calvin en France au XVIe siècle
  • Nous pouvons rajouter à la liste les martyrs chrétiens Malgaches qui se sont cachés de leurs oppresseurs pour sauver leur vie aux temps coloniaux…

Tous des hommes et des femmes de Dieu. Quand la fuite n’était plus possible, ou la protection éphémère, ces disciples ont alors accepté avec courage le martyr (le sacrifice de leur vie).

Mais leur geste s’inscrit dans un autre contexte de témoignage où ils ne pouvaient pas faire autrement sans renier leur foi. Le martyr n’était donc pas systématique ou à rechercher volontairement. En fin d’exposé, nous verrons toutes les stratégies utilisées par les hommes de Dieu, mais « tendre l’autre joue » (ou la première au sens propre) n’est pas trop au programme.-Vous verrez également que l’apôtre Paul va comparer la vie chrétienne à une lutte (Eph 6 : 12), même si là, ce n’est pas contre la chair et le sang (c’est-à-dire des personnes physiques), mais contre les esprits méchants dans les lieux célestes.

Ailleurs, il parle d’un combat et d’une course à remporter (2 Tm 4 : 7) ; ou encore du bon combat de la foi (1 Tm 1 : 18 ; 6 : 12)

Tout dans la nature même, que ce soit dans le monde végétal ou animal, respire ce que nous pourrions appeler la « voie martiale », c’est-à-dire l’existence d’un combat pour la vie ou la subsistance ; et ce, depuis que le péché est entré dans le monde. Heureusement que tout rentrera dans l’ordre au rétablissement de toutes choses par le retour en gloire du Seigneur Jésus, où le loup et l’agneau paisseront ensemble (image fidèle d’une glorieuse réalité à venir)…

Stratégies diverses

Je laisse à votre réflexion, et sous l’assistance du Saint-Esprit, les quelques versets suivants des Écritures qui parlent d’eux même, et qui démontrent en définitive que :

  1. Selon les circonstances, Jésus et les apôtres, comme les prophètes avant eux, ont réagi différemment selon la situation et l’enjeu du moment.
  2. C’est dans la mesure où l’Esprit de Dieu nous accorde une autorité spirituelle directe que nous n’avons plus besoin d’avoir recours à une action physique devenue inutile et moins efficace, comme c’était le cas pour Moïse devant le Pharaon, ou Paul devant Elymas le magicien

Voici donc quelques stratégies opérées en diverses circonstances qui peuvent nous inspirer (7 courts métrages) :

  • Jésus devant les autorités juives (Jn 18 : 22-23) > réponse verbale…
  • Pierre et Jean face aux menaces du Sanhédrin, le tribunal suprême juif (Ac 4 : 23, 31) > partage de fardeau et prière…
  • Les apôtres face au grand sacrificateur (Ac 5 : 28-29) > réplique argumentée…
  • Paul face à Elymas le magicien (Ac 13 : 6-12) > parole d’autorité…
  • Paul contre l’esprit du python (Ac 16 : 16-18) > invocation du Nom de Jésus…
  • Paul et Silas face à l’injustice (Ac 16 : 22, 23, 25-26) > louange…
  • Paul face au grand sacrificateur (Ac 23 : 2-5) > défense selon la vérité et la justice, ainsi que l’intelligence…

Dans tous les cas, les disciples ont répondu ou régi avec sagesse et autorité ; et non comme de simples victimes qui subissent…

Conclusion

L’enfant de Dieu n’est donc pas condamné à subir juste les injustices, ou à supporter la violence sans réagir. Selon les circonstances, il doit apprendre à protéger sa vie et les siens, à défendre la vie tout simplement, en toute justice et humilité. Et s’il peut même se défendre sans blesser son agresseur, c’est encore mieux.

  • Il peut recourir à la prière et à l’autorité du Nom de Jésus. Il peut se défendre par ses paroles avec sagesse et discernement. Il peut fuir la persécution.
  • En toutes circonstances, il combat le bon combat de la foi, en esprit surtout ; physiquement exceptionnellement en cas de légitime défense. Et s’il faut, quand il ne pourra pas l’éviter, témoigner malgré tout de sa foi et de la vérité au péril de sa vie ou au prix de sa vie.

Johnny M